Entraînement, logistique, recrutement… Les premiers effectifs de la FARN, la force d’action rapide nucléaire, s’activent autour de cette unité d’intervention d’un genre nouveau. Work in progress au CNPE (centrale nucléaire de production d’électricité) de Civaux.
Les médias les présentent comme des « super-pompiers d’EDF»ou le «GIGN du nucléaire ». Sans doute parce qu’on les a vus, coiffés d’un casque rouge, manipuler des tuyaux d’alimentation. Ou peut-être parce qu’on les imagine en première ligne, prêts à donner l’assaut d’un bâtiment en flammes… Pourtant, les équipiers de la FARN ont peu en commun avec les soldats du feu et les troupes d’élite de la gendarmerie. Ils sont avant tout logisticiens, responsables de maintenance, conducteurs de tranche, radio-protectionnistes, spécialistes en télécommunications. La mission de ces professionnels, c’est précisément d’agir en amont, dans n’importe quelle centrale nucléaire du territoire, pour éviter d’éventuels rejets radioactifs massifs en cas d’accident grave. Intervenir rapidement en environnement dégradé ne signifie pas aller au-devant du danger. L’urgence est de rigueur, pas la précipitation. Et la préparation, essentielle. Le matin du 22 mars, sur le site de Civaux, les volontaires ont manœuvré devant la presse, venue assister à une intervention sur une ASG (bâche alimentation de secours en eau des générateurs). « La finalité de l’exercice est de montrer que nous sommes capables de réalimenter un réacteur en eau et que cette eau parvient bien à l’endroit voulu », précise Bernard Camporesi, responsable du projet au niveau local. Si de telles opérations, mi-promotion mi-entraînement, ne se déroulent pas encore en temps réel, elles n’en sont pas moins mises à profit pour améliorer les performances, consolider les méthodes et ajuster les équipements. Comme ce fut le cas à plusieurs reprises ces derniers mois. La FARN, aujourd’hui, c’est une unité d’intervention qui se construit jour après jour. Chaque expérience compte. Car le temps, lui aussi, est compté. Fin 2012, la première des bases FARN devra être en capacité d’intervenir sur un site nucléaire deux tranches. D’ici là, il faut aménager les infrastructures destinées à recevoir hommes et matériels, mais aussi « bâtir une méthodologie d’intervention de A à Z », ajoute Christophe Regnaud. Une activité-clé pour ce responsable en maintenance, en charge des méthodes et de la logistique. L’objectif: planifier l’enchaînement des opérations, depuis la décision d’intervention jusqu’à l’arrivée des équipes sur site. Dans l’hypothèse où un site nucléaire vient à demander un renfort, il faut se préparer à acheminer des équipes et des tonnes d’équipements dans des conditions climatiques ou de circulation dégradées, avec des moyens de transport adéquats. Camions, véhicules tout terrain, hélicoptères et même des barges de transport, envisagées en cas d’inondation. Ça ne s’improvise pas. Pour développer leur propre modèle, les bâtisseurs de la FARN sollicitent des avis externes, notamment auprès de consultants issus de la sécurité civile. Comme l’indique Bertrand Dirlik, responsable du pilotage opérationnel du projet, « si nous disposons à la division production nucléaire (DPN) d’EDF de toutes les compétences en radioprotection, logistique, sûreté nucléaire, il reste beaucoup à apprendre sur les interventions rapides en milieu extrême ».
Nouvelle mission, nouvelle organisation, nouvelles responsabilités… La FARN comporte des aspects inédits pour la DPN. Doit-on pour autant parler de nouveau métier ? Selon Christophe Regnaud, il s’agit davantage d’une spécialisation dans l’urgence. « J’envisage plutôt cette activité comme une prolongation de mon métier d’exploitant du nucléaire. La nouveauté réside dans la capacité à agir rapi- dement dans des conditions potentiellement difficiles. » Agir vite, oui, mais avec des règles de sécurité adaptées et dans le respect du Code du travail. Conçue comme un dispositif de renfort, la FARN est une unité totalement intégrée à l’organisation nationale de crise. En cas d’accident grave sur un site nucléaire, c’est à l’état-major de la DPN qu’il reviendra de décider d’une intervention. Et dans tous les cas, après déploiement des moyens locaux de crise (équipements de pompage, groupes électrogènes). Si une mobilisation de la FARN est jugée nécessaire, une équipe de reconnais- sance partira en éclaireur pour analyser la situation et coordonner l’envoi éventuel des effectifs. De plus, des spécialistes de la radioprotection accompagneront chaque colonne. Ils seront chargés de mesurer la dosimétrie à laquelle les intervenants sont susceptibles d’être exposés. « Pas question de résoudre un problème à n’importe quel prix, commente Bernard Camporesi. Si les conditions se dégradaient, en cas de rejets radioactifs, nous aurions les moyens d’adapter notre action. »
En phase d’expérimentation et d’amélioration continues, la FARN étoffe sa stratégie et ses moyens, mais aussi ses effectifs. Compte tenu des délais et des contraintes d’organisation, l’expérience constitue le critère numéro 1 de recrutement. Le premier gréement de la base de Civaux, 2 colonnes de 16 équipiers, sera donc composé en majorité de professionnels aguerris. Comme Sylvain Moiny, responsable de maintenance, et Laurent Guignard, chef d’exploitation délégué à la conduite. Tous les deux ont une vingtaine d’années de métier chez l’exploitant du nucléaire. Ils n’ont pas attendu la validation de leur intégration pour s’investir activement dans les entraînements. D’ici à l’automne, d’autres professionnels issus du CNPE de Civaux, de Chooz et de Flamanville viendront compléter les premiers rangs de la force d’intervention. Cette organisation doit permettre de former rapidement les futures recrues, sur la base du tutorat, tout en favorisant le partage des connaissances et l’esprit d’équipe. Intégrer la FARN, c’est donc aussi l’occasion d’enrichir ses compétences et d’acquérir une forme de polyvalence. Les nombreuses candidatures déjà reçues en témoignent, le projet connaît des débuts prometteurs. En attendant la création, d’ici à fin 2014, de trois autres bases en France, à Dampierre, Paluel, Bugey et le recrutement de 300 à 350 équipiers supplémentaires.
À 25 ans, Mathilde Van Lerberghe fait partie de l’équipe de coordination de la base de Civaux. Pour cette ingénieure spécialisée en risques industriels, intégrer la FARN représente une opportunité exceptionnelle : « J’étais en train d’effectuer mon stage de fin d’études au PUI (le plan d’urgence interne, organisation de crise d’EDF) au moment de Fukushima. J’ai donc entendu parler de la FARN dès ses débuts. Le site de Civaux m’a fait une grande preuve de confiance en me proposant de participer à sa création. Prendre part à son lancement se situe dans le prolongement de mon projet professionnel, consacré à l’organisation de crise. Au-delà, je suis très motivée par l’idée de monter un projet en partant pour ainsi dire de rien. Et puis, c’est aussi la perspective de me rendre utile dans un objectif global de sûreté. »
Spécialiste en maintenance des installations électriques, Fabien Augereau a 20 ans d’expérience dans le nucléaire. Depuis le 1er décembre dernier, il se consacre à temps plein à l’organisation de la base de Civaux : « Faire partie de la FARN, c’est mettre en pratique tout ce que je connais depuis que je travaille chez EDF. Je suis à la fois amené à exploiter mes capacités en maintenance et en systèmes d’informations, mais aussi à élargir mon champ de compétences. La logistique, par exemple, est un domaine que je découvre. L’acquisition de connaissances est l’un des principaux intérêts de cette organisation : au sein d’une équipe pluridisciplinaire, chacun est amené à apprendre de ses coéquipiers. C’est très enrichissant sur le plan professionnel, mais aussi humain. »
Officiellement annoncée le 29 avril 2011, la FARN est une unité d’intervention issue de la mise en place du plan post-Fukushima. À la suite de l’accident survenu au Japon, EDF s’est engagé à mener 450 actions visant à renforcer de manière significative le matériel de sauvegarde et de secours en place. Le plan post-Fukushima est coordonné par la division ingénierie nucléaire (DIN) et la DPN. C’est à cette dernière que revient la création de la FARN. La mission de cette force d’action rapide est clairement définie : la FARN doit être capable d’intervenir dans les 24 heures sur un site en difficulté. C’est-à-dire, être en mesure d’apporter des matériels et de les exploiter, en renforcement des moyens locaux de crise qui auront pu être déployés.
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© Photos : Toma/EDF
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